Arbre M2TL

Production  

Cie du morse 

Création 2012 - 2013 

Adaptation / Mise en scène Anne Colin

 

Texte : Jacques Prévert - Claude Cohen

D’après l’ouvrage de Jacques Prévert 

Interprétation : Guillaume Cuq et Françoise Paulais
Scénographie - lumière : Stéphane Jollard
Conception vidéo : François Chaillou
Musique : Olivier Viollette
Costume : Véronique Gély
Installation sonore : Pol Pérez
Maquillage : Catherine Lobgeois

 

 

 

Nous sommes en 2360, dans un monde génétiquement codifié. Dans la cellule d’une prison, exposée au regard de caméras de surveillance, une femme-médecin procède à l’examen clinique d’un étrange humanoïde. Dans cette société pyramidale, concentrationnaire et sans mémoire, cette scientifique est la porte parole d’un monde où tout est manipulé, aussi bien les émotions, les actes que le langage. Savoir d’où il vient, est sa mission ; pour cela elle le soumet à la question. Qui est cet humanoïde qui parle de façon imagée avec des poèmes, des mots qu’elle ne comprend pas, des mots qui lui sont étrangers et interdits ? Comme réponse, l’homme déclame des bribes de la poésie de Prévert.

Un troisième personnage, L’Entité, transmet les ordres d’autres protagonistes qu’on ne voit pas, qu’on n’entend pas mais qui ont le contrôle absolu, les niveaux supérieurs de la pyramide, les niveaux A.

Les révélations de cet être vont réveiller la part intime, enfouie, de cette femme et ébranler ses certitudes d’appartenir à ce monde soi-disant sans failles. Mémoire et émotions l’envahissent petit à petit. Sa part d’humanité resurgit et prend le pas sur le rationnel jusqu’au renversement final, où la victime se révèle être le véritable bourreau en nous donnant la mesure du stratagème machiavélique dans lequel cette femme s’est laissée piéger.

Sous la forme d’un huis clos, cet interrogatoire pervers met en présence une tortionnaire et sa victime et confronte deux mondes : le rationnel et le sensible.

Ce captif est-il le rescapé d’une histoire passée ? Le messager de l’histoire des arbres, un rebelle, un échappé du système, une anomalie, un héros ? Ou le détenteur d’une mémoire ensevelie ?

 

Le mot de l'auteur

« Dans un avenir lointain, mais si proche par certains aspects, l’homme, grâce à la science a supprimé les émotions, effacé les souvenirs. La paix règne, pas de colère, pas de passions destructrices, entre les êtres qui vivent presque éternellement. Nous naissons tous, formatés dans des grandes matrices pour travailler selon les besoins de la cité, jusqu’à l’Orée, terme d’un code préétablie par notre carte génétique. La sérénité de ce monde est protégée par une hiérarchie entre les êtres humains, par l’enseignement du Livre, et par L’Entité qui veille sur chacun.

Arbres 2360 est un conte philosophique. La thèse du meilleur des mondes possibles, n’est rien d’autre que la pensée réfutant la conscience, l’intelligence niant l’évidence sensible. C’est la tyrannie de la raison sur les faits, sur l’émotion, sur la sensibilité de l’être humain. Tout ce qui est vécu par la conscience comme un mal, la pensée prétend démontrer que c’est un bien. Alors la raison devient délirante et veut plier le monde et les êtres à ses délires. C’est le bonheur absolu. Nous n’avons pas de choix à faire, notre avenir est défini. Il est simple et merveilleux. Façonnement, Ouvrage et Orée. A vouloir tout contrôler de sa vie, l’homme ne devient il pas inconscient ?». Claude Cohen

Note d’intention 

«Déjà la PG, la police géologique, prenait les empreintes des fougères". Prévert - Arbres» - (édition Gallimard).

A l’origine il y a "Arbres"  de Prévert qui me met sur les rails d’une histoire qui se déroulerait dans un futur proche. Ce recueil de Jacques Prévert, paru en 1976, illustre le travail collaboratif avec un artiste graphique, Georges Ribemont-Dessaignes. Ses gravures sont commentées ou mises en résonance par le biais de poèmes en prose. Son bref fragment de roman d'anticipation arborescente, "L'espoir vert" qui clôt le recueil, retrace l’histoire de la révolte des arbres dans un univers concentrationnaire. Il dénonce avec humour le caractère absolu du pouvoir. J’ai profité du sillage tracé par ce joueur de mots, qu’est Prévert, pour travailler sur le rapport de domination entre l’individu et le groupe, et sur son cortège de perversités, mensonges, faux-semblants, séduction, trahison et manipulation… 

Par la suite, l’ouvrage de Naomi Klein, «La stratégie du choc» (édition Babel) s’est imposé à moi comme une évidence, car il s’agit bien d’amener, de croiser et de confronter notre sujet à la réalité d’aujourd’hui. C’est peut être à partir de là que débute vraiment notre aventure : pour moi, un besoin d’éveil, de lucidité, de refus. 

«J’appelle, écrit-elle, « capitalisme du désastre» ce type d’opération consistant à lancer des raids systématiques contre la sphère publique au lendemain de cataclysmes et à traiter ces derniers comme des occasions d’engranger des profits ».

Naomi Klein, journaliste, analyse et décrit dans son ouvrage les méthodes utilisées par les tenants de l’ultralibéralisme tout-puissant pour contrôler la planète.  

Parler ici et maintenant de la manipulation, la terreur, la mystification, mais aussi de l’humain et donc du théâtre.

Dire qu’une prise conscience est possible même lorsque l’on croit faire exception au monde, confortablement installé sur le séant de ses certitudes. 

Mettre en scène les puissants de ce monde, souligner leurs travers et leurs ridicules en les caricaturant et en mettant en relief leur nocivité. 

Eclairer le public sur leurs égoïsmes et leurs manigances.

User de la dérision comme « électrochoc », de la poésie comme « baume » pour soulever les questions sociales et politiques qui nous touchent…

… Autant de champs d’investigation et de recherche non seulement ludiques mais aussi ancrés dans la réalité du moment.

«Arbres M2TL» est une parabole sur le despotisme moderne, un conte philosophique dans lequel les classes supérieures ici, les niveaux A, ont la mainmise sur les archives, la mémoire, le passé. «Qui détient le passé détient l’avenir» écrit Georges Orwell, dans 1984. Les niveaux A font accepter, au moyen de leur «Livre», leurs vérités pratiquant la désinformation et le détournement du sens.

Quels que soient les moyens et les formes de tyrannie que le pouvoir met en place, son but ultime est toujours le contrôle. A ce jour, il existe des lois qui prétextent la sécurité intérieure pour empiéter de façon détournée sur la liberté individuelle.

Se mettre en état de vigilance par rapport au monde dans lequel nous vivons me semble un devoir de chaque instant ; le travail théâtral m’y oblige à chaque fois que je me confronte à un texte, à un auteur.

Claude Cohen écrit à propos de son texte, que cette femme «… comme le faisaient certains philosophes des lumières, interprète tout ce qu'elle voit et entend à la lumière de sa conception idéale du monde, à travers uniquement le filtre de sa raison, qui se veut toute puissante, telle une raison délirante qui veut plier le monde à ses délires, quitte à nier l'évidence sensible. L’évidence sensible est ici matérialisée par la poésie, les arbres, les souvenirs d'enfance, l'amour. La thèse du meilleur des mondes possibles n’est rien d’autre au fond que la pensée réfutant la conscience…».

Peut être est ce mon parcours de scientifique qui me pousse aussi à m’interroger sur la place du sensible dans notre vie ?

Le travail théâtral que j’envisage se concentre sur le jeu dans le jeu, la prise en charge des doubles rôles, les deux protagonistes, se révélant à tour de rôles victime et bourreau.

Il nous est apparu important de travailler sur le langage de ce monde sans émotions, à la pensée univoque. En effet l’anéantissement de l’affect rend impossible la formulation de pensées émotives et subversives et mène à un effet de dépersonnalisation. Les sociétés qui ont vécu sous des régimes totalitaires en sont les témoins les plus parlants. Sans doute le langage est-il une arme artistique et esthétique contre les maux et les (sé-)vices de nos sociétés modernes.

Une autre piste d’exploration se propose à nous, ce sont les niveaux distanciés et/ou incarnés des personnages.

Et pour finir nous avons choisi de placer les deux protagonistes sous le joug de la vidéosurveillance, dont les images sont transmises au public. Le public est d’autant plus « manipulé » qu’on lui renvoie en miroir l’image de sa propre attitude de spectateur-voyeur. Il se retrouve alors mis en scène, et ce dans le même rapport de pouvoir décrit par l’auteur. Le public, invité à cet étrange étalage, pourra jouer son rôle: visiteur curieux, observateur ou investigateur.

 

Anne Colin octobre 2012

 

Actuellement en recherche de partenaires.

Édito

Le code Morse
Inventé par Samuel Morse, ce code télégraphique utilise un alphabet conventionnel fait de traits et de points, de longues et de brèves.
Alphabet Morse
Abandonné pour les communications maritimes au profit d'un système satellitaire, cet ancêtre du net a porté l'identité de la Cie pendant toutes ses années de jeunesse.

 

Quant à l'animal,
regardons-le de plus près…
Qui est-il ?
Le morse…
celui qui marche sur les dents !
Chassé par les explorateurs du Grand Nord, et les trafiquants d'ivoire, le morse est en grand danger d'extinction. Au bord du déclin, cet animal aux allures préhistoriques, tente pourtant de survivre dans toutes les mers arctiques.
Le morse résiste, conscient du monde qui l'environne !
Lorsqu'il est blessé par un chasseur la fureur s'empare de lui. Il est capable de faire chavirer l'embarcation.
Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas !
Prenant appui sur ses défenses plantées dans la banquise, le morse se hisse hors de l'eau et se maintient ainsi accroché pendant la sieste.
Le morse sait profiter de la vie, rien ne le presse !
La solidarité entre eux est légendaire : si un congénère isolé est attaqué, les guetteurs sonnent l'alerte et tous viennent à la rescousse.
Solidaires, ils le sont aussi avec d'autres ; ils sont organisés et efficaces !
Très sociables, les morses adorent s'entasser les uns sur les autres sans distinction de sexe et par centaines.
Les morses aiment particulièrement le contact et les échanges…
Les rencontrer vaut le détour.